Mon second souffle
- Yaneisy-Nynoska Tremblay
- 5 mars
- 3 min de lecture
Longtemps, j’ai porté ma souffrance comme un fardeau personnel, convaincue qu’elle n’affectait que moi. Mais en grandissant et en prenant du recul, une question m’a traversé l’esprit : Comment mes proches vivent-ils cette réalité ? Comment perçoivent-ils ma maladie au quotidien ?
Diagnostiquée d’un lupus érythémateux disséminé à l’âge de dix ans, j’ai toujours eu la chance d’avoir un très bon soutien. Depuis aussi loin que je me souvienne, mes proches ont été là pour m’encourager et me relever dans les moments les plus difficiles. Pourtant, avec le temps, j’ai pris conscience que cette maladie ne pesait pas seulement sur moi, mais aussi sur eux. Ils partagent mes peines, s’inquiètent pour mon avenir et affrontent, à leur manière, les défis qu’impose une maladie auto-immune.
Même s’ils ne peuvent pas pleinement comprendre ma réalité, puisqu’ils ne la vivent pas, il est quand même injuste de les tenir à l’écart. Leur souffrance, bien que différente de la mienne, est bien réelle. Ils ressentent l’impuissance envers ma douleur, la frustration de ne pas toujours savoir comment m’aider et l’incertitude quant à l’évolution de ma maladie. À force de porter ces inquiétudes, ces personnes qui sont mon refuge peuvent, elles aussi, se sentir dépassées, épuisées, voire prendre du recul. Ce fardeau invisible qu’ils portent en silence mérite d’être reconnu, tout autant que le mien.
Mais au-delà de l’inquiétude, il y a une souffrance invisible, celle que mes proches portent sans jamais la montrer. Ce fardeau qu’ils acceptent, souvent sans même en parler, est parfois plus lourd que la douleur physique. Le poids de l’incertitude, l’angoisse de l’avenir, la peur de l’aggravation de ma maladie, tout cela les affecte plus qu’ils ne veulent l’admettre. J’ai vu mes proches se battre contre cette souffrance silencieuse, en essayant de ne pas me le montrer, mais en ayant toujours un œil sur mon état, espérant des jours meilleurs.
Trop souvent, j’ai voulu protéger mes proches en minimisant ma douleur, en taisant mes inquiétudes ou en évitant les conversations difficiles. Pourtant, en faisant cela, je les éloignais sans le vouloir. Exprimer mes besoins, partager mes peurs et accepter leur soutien sincère a renforcé nos liens au lieu de les affaiblir. Nous sous-estimons parfois la force de la communication et l’importance de dire simplement : « Aujourd’hui, ça ne va pas » ou encore « Merci d’être là ». Ces mots peuvent apaiser, autant pour nous que pour eux.
Il y a aussi eu des moments où je me suis sentie incomprise, des moments où des proches, bien que pleins de bonnes intentions, n’ont pas su comment me soutenir. Un simple commentaire, mal interprété, pouvait me faire me sentir encore plus isolée dans ma souffrance. Mais lorsqu’ils prenaient le temps de me demander comment je me sentais, sans jugement, sans pression, c’est là que je me sentais vraiment écoutée, soutenue.
L’incertitude est un ennemi silencieux, qui ronge l’esprit des malades, mais aussi de leurs proches. Comment vivre avec cette question persistante : « Que nous réserve demain ? ». Ma famille, mes amis, tout comme moi, avons dû apprendre à accepter l’impossibilité de prévoir l’avenir. Au début, cette incertitude nous paralysait, mais au fil des années, nous avons appris à vivre avec elle, à ajuster nos attentes, à trouver une forme de sérénité même envers l’inconnu.
Oui, vivre avec une maladie auto-immune est un combat quotidien. Oui, nous devons gérer mille choses à la fois. Oui, parfois, nous avons l’impression que personne ne nous comprend. Mais s’enfermer dans cette vision serait égoïste. Le monde ne tourne pas autour de nous. Nous devons aussi être attentifs à ceux qui nous entourent, car sans eux, notre moral serait bien plus fragile, et notre regard sur la vie bien plus triste.
Alors, pour votre bien-être, ne vous fermez pas aux personnes qui vous soutiennent, qui sont là envers et contre tout. Éloignez-vous plutôt de celles qui lancent des paroles en l’air et n’apportent rien de constructif. Ces dernières sont nombreuses. Mais pas celles qui, même sans tout comprendre, trouvent les mots justes et vous encouragent sincèrement. Ce sont ces personnes qui nous donnent un souffle dans notre lutte contre la maladie.
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